J.O. 283 du 7 décembre 2003       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet

Texte paru au JORF/LD page 20913

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Délibération adoptée par le Conseil supérieur de l'audiovisuel le 20 novembre 2003


NOR : CSAX0305336X



Le 24 octobre 2003, le Conseil supérieur de l'audiovisuel a été saisi du projet de Suez de se désengager du secteur de la communication et de se séparer ainsi de la plus grande part des actions qu'il détient dans la société Métropole Télévision. Lors de son audition le 4 novembre 2003, M. Mestrallet, président de Suez, a déposé au conseil un plan présentant les modalités de son désengagement partiel.

Le dispositif présenté aurait pour effet, en application de l'article 35 des statuts de M 6, de faire passer de 34 % à 49 % du capital de M 6 les droits de vote de son autre actionnaire de référence, RTL Group.

Il n'appartient pas au CSA, autorité de régulation des médias audiovisuels, d'apprécier l'opportunité de la stratégie et de la politique de cession des participations d'un groupe financier et industriel.

En revanche, le conseil a pour mission de veiller, en application des dispositions de la loi du 30 septembre 1986, au respect des conventions qu'il a passées, au nom de l'Etat, avec les opérateurs privés qui utilisent gratuitement une fréquence hertzienne pour exercer leur activité de communication audiovisuelle, et qui ont été sélectionnés après appel aux candidatures.

Les conditions de l'octroi de l'autorisation initiale à M 6 et l'évolution de la convention, qui témoignent du souci constant du conseil de veiller à l'équilibre entre les deux actionnaires de référence et à la limitation des droits de vote de chacun d'entre eux, trouvent leur source dans les exigences de pluralisme et de diversification des opérateurs qui figurent au titre des principes essentiels que la loi du 30 septembre 1986, notamment ses articles 1er, 29 et 30, a chargé le CSA de faire respecter.

Les deux principaux actionnaires de M 6 détiennent en effet des positions importantes dans le domaine de la communication. Si le groupe Suez se désengage maintenant de ce secteur, il n'en va pas de même de RTL Group, premier opérateur européen du marché de la télévision commerciale, avec 23 chaînes réparties dans 10 pays, leader sur le marché de la distribution de droits en Europe, acteur majeur ou dominant sur le marché de la radio en France et dans les trois pays du BENELUX, et qui appartient, à plus de 90 %, au premier groupe de communication européen, Bertelsmann, acteur déterminant des secteurs de l'audiovisuel, de la production phonographique, de la presse et de l'édition.

C'est pourquoi, dès 1994, à l'occasion des premières modifications de l'équilibre initial entre les deux pôles d'actionnaires constitués autour de la Lyonnaise des eaux et de la Compagnie luxembourgeoise de télévision, modifications qui se sont traduites par la montée en puissance de la CLT au capital de la chaîne M 6, le conseil a fait dépendre son accord de trois conditions :

- interdiction, pour chacun des actionnaires, de détenir plus de 24 % des droits de vote ;

- abrogation du protocole d'actionnaires en date du 5 février 1987 ;

- suppression des clauses statutaires ou d'agrément prévues pour les cessions d'actions.

Cette préoccupation a été de nouveau manifestée en 2001, à l'occasion du renouvellement de l'autorisation accordée pour la première fois à M 6 en 1987 et de la signature de la convention qui régit l'activité de cette société jusqu'au 1er mars 2007. L'article 2 de cette convention, après avoir décrit la composition du capital de M 6 et mentionné les deux actionnaires de référence, RTL Group et Groupe Suez, stipule : « conformément à l'article 35 des statuts de Métropole Télévision, les droits de vote de chacun des deux actionnaires (...) sont limités à 34 %. L'égalité entre les droits de vote des deux actionnaires de référence (...), telle qu'elle résulte de l'application de l'article 35 des statuts visés à l'alinéa précédent, est une des données au sens de l'article 42-3 de la loi au vu de laquelle l'autorisation avait été délivrée et dont tout projet de modification fera l'objet d'une information immédiate du conseil ».

Le plafonnement des droits de vote et la parité qui en résulte sont donc des données au vu desquelles l'autorisation a été délivrée et renouvelée en 2001. Compte tenu de la rédaction de l'article 35 des statuts de Métropole Télévision, le passage de Suez sous le seuil de 33 %, 1/3 du capital, de la société M 6 provoquerait automatiquement une rupture du principe de limitation des droits de vote d'un actionnaire de la société au bénéfice de RTL Group, qui passerait mécaniquement à 49 % des droits de vote. Compte tenu des positions tenues par le groupe RTL en Europe, telles que rappelées ci-dessus, cette situation serait de nature à modifier substantiellement les données au vu desquelles le CSA a délivré l'autorisation d'émettre à M 6 en 1987 et l'a renouvelée en 2001.

La remise en cause de ce plafonnement serait donc susceptible d'entraîner l'application par le conseil de l'article 42-3 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée, aux termes duquel « l'autorisation peut être retirée, sans mise en demeure préalable, en cas de modification substantielle des données au vu desquelles l'autorisation avait été délivrée, notamment des changements intervenus dans la composition du capital social ou des organes de direction et dans les modalités de financement ».

Conformément à la jurisprudence du Conseil d'Etat, le Conseil supérieur de l'audiovisuel ne peut renoncer à faire application de l'article 42-3 de la loi du 30 septembre 1986 qu'en inscrivant dans la convention passée avec M 6 des garanties en termes de pluralisme, au premier rang desquelles des stipulations qui sauvegarderont le principe de limitation des droits de vote, qui constitue l'une des données au vu desquelles l'autorisation de M 6 a été délivrée. Le retrait de Suez du capital de M 6, dans les conditions présentées par M. Mestrallet lors de son audition le 4 novembre 2003, doit donc être précédé de la signature d'un avenant à la convention passée entre M 6 et le CSA.

En premier lieu, cet avenant doit comporter la modification de l'article 2 de la convention de la société Métropole Télévision, afin de stipuler qu'aucun actionnaire ou groupe d'actionnaires agissant de concert ne peut exercer plus de 34 % du nombre total des actions de la société et/ou des droits de vote qui leur sont attachés. Il appartiendra à la société M 6 de mettre ses statuts en conformité avec la nouvelle version de la convention.

En deuxième lieu, il importe que des dispositions soient prises afin de garantir la pérennité de l'autonomie du directoire de la société à l'égard des actionnaires. Sous réserve du paragraphe précédent, l'ensemble des engagements proposés par le président du directoire de Métropole Télévision dans son courrier du 17 novembre 2003 devra être repris et confirmé par l'actionnaire de référence RTL Group :

- maintien du titre M 6 à la cotation en bourse à Paris ;

- maintien des statuts actuels de Métropole Télévision ;

- confirmation de la forme juridique actuelle de la société avec directoire et conseil de surveillance ;

- présence d'un tiers d'administrateurs indépendants au sein du conseil de surveillance du groupe ;

- maintien au sein de M 6 de l'ensemble des services opérationnels nécessaires à son fonctionnement, et notamment maintien de la régie publicitaire dans une filiale contrôlée par la chaîne ;

- respect de la diversité des producteurs et de l'indépendance éditoriale de la chaîne, notamment à l'égard des intérêts économiques de ses actionnaires ;

- engagement que les relations économiques avec les sociétés du groupe se feront dans des conditions économiques usuelles du marché.

En troisième lieu, pour que le CSA puisse s'assurer que le développement des synergies internes à RTL Group ne s'exerce pas au détriment du pluralisme des médias et des sociétés de production, M 6 s'engagera à transmettre chaque année au Conseil supérieur de l'audiovisuel un rapport présentant l'ensemble des conventions passées avec des sociétés de RTL Group et de Bertelsmann, et à fournir au CSA tout document ou information qu'il demanderait sur ces conventions et leur application.

Enfin, la présente délibération du Conseil supérieur de l'audiovisuel s'entend naturellement sous réserve des conséquences des engagements et dispositions qui pourraient éventuellement être demandées par les autorités européennes chargées du contrôle des concentrations, à la suite de la notification à laquelle devra procéder RTL Group.

Cette délibération sera publiée au Journal officiel de la République française.

Fait à Paris, le 20 novembre 2003.



Pour le Conseil supérieur de l'audiovisuel :

Le président,

D. Baudis